Le monde du travail : Attente vs Réalité

« Seuls 26% des jeunes diplômés occupent un emploi en adéquation avec leur formation un an après leur sortie de l’enseignement supérieur » selon une étude récente du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) de septembre 2022. Ce chiffre illustre le décalage croissant entre les attentes élevées des jeunes face au marché du travail, et la réalité bien plus nuancée de leur insertion professionnelle.

Fraîchement sortis des bancs de la faculté, la plupart des jeunes diplômés ont une idée précise, voire idéalisée, du poste qu’ils aimeraient décrocher. Attirés par certains secteurs d’activité, type marketing, journalisme ou ressources humaines, ils rêvent de mettre rapidement en pratique les connaissances acquises au cours de leur formation. Ils s’imaginent aisément décrocher un CDI enrichissant, assorti d’une rémunération confortable.

Cependant, leurs premières expériences professionnelles sonnent bien souvent comme une douche froide. Les propositions de stages et de CDD se font rares, et ne correspondent que trop peu avec leurs aspirations. Quand ils décrochent finalement ce fameux premier job, c’est bien souvent un poste subalterne, peu rémunéré et à responsabilités limitées qui leur est proposé. 

Un tel décalage entre leurs attentes et la réalité du marché de l’emploi peut générer de vraies désillusions chez les jeunes actifs. D’où viennent ces attentes irréalistes ? Comment faire en sorte de mieux préparer les jeunes aux difficultés de l’insertion professionnelle ?

Dans un contexte économique incertain, où les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux sur le marché de l’emploi, il semble nécessaire de rebattre les cartes du dialogue entre les universités, les employeurs et les pouvoirs publics. L’enjeu ? Permettre aux jeunes de mieux appréhender la réalité du monde professionnel, afin de réussir leur insertion sur le marché du travail.

I- Les attentes élevées des jeunes diplômés

Fraîchement diplômés après de longues années d’études, les jeunes actifs sont pleins d’ambition et nourrissent de fortes attentes avant leur entrée dans la vie active. Ils aspirent légitimement à exploiter tout le potentiel de leur formation, estimant que leur diplôme dans la poche doit être un tremplin vers une carrière stimulante et épanouissante.

Pour beaucoup de jeunes, le travail ne saurait se résumer à un simple moyen de gagner sa vie. L’épanouissement personnel est une quête centrale : 79% des 18-25 ans déclarent rechercher avant tout un travail qui leur plaise, selon un sondage ViaVoice réalisé pour L’Etudiant en 2021.

Cet épanouissement passe notamment par l’exercice de responsabilités et une forte autonomie dès les premiers postes. Ne supportant plus la hiérarchie descendante prônée autrefois, les jeunes diplômés sont en quête de davantage de liberté d’initiative et de participation aux décisions au sein de leur entreprise. Une enquête BVA de 2019 montre ainsi que 72% des moins de 30 ans se déclarent prêts à gagner moins d’argent en échange de plus d’autonomie professionnelle.

Côté salaire, les attentes demeurent néanmoins importantes. Selon le baromètre 2021 de l’APEC, les jeunes actifs estiment en moyenne que la rémunération satisfaisante pour un premier emploi se situe autour de 40 000 euros bruts annuels, soit bien au-delà de la moyenne réelle d’un primo-salarié (environ 30 000 euros). Dotés de diplômes leur ayant demandé de longues années d’efforts, ils considèrent légitime d’obtenir un salaire à la hauteur de leurs compétences fraîchement acquises.

Ces attentes élevées se cristallisent plus particulièrement autour de quelques secteurs jugés attractifs, comme le marketing, la communication, le journalisme, le webmarketing ou les ressources humaines. Véhiculant une image de modernité et de dynamisme, ces domaines fascinent les primo-actifs qui se projettent aisément dans ces métiers, parfois idéalisés par leur représentation culturelle ou médiatique.

II- La confrontation difficile à la réalité du monde du travail

Décalage Entre Attentes et Réalité

Une fois confrontés au marché du travail, de nombreux jeunes diplômés déchantèrent rapidement. Leurs attentes élevées se heurtent à la réalité bien plus rude de l’insertion professionnelle. Difficultés pour décrocher un premier job, statuts précaires, salaires décevants : la désillusion est souvent au rendez-vous.

Le Parcours du Combattant de la Première Emploi

Un premier décalage apparaît avec la réalité du marché de l’emploi. Alors que les jeunes sortant de faculté s’imaginaient assez facilement trouver un travail dans leur domaine de formation, la réalité est tout autre. En 2021, seuls 26% des diplômés occupaient un emploi en adéquation avec leur formation un an après leur sortie de l’enseignement supérieur, selon le Céreq. 

Conséquence directe : décrocher son tout premier job relève souvent du parcours du combattant, en dépit des diplômes en poche. Selon l’enquête Génération du Céreq, en 2021 le taux de chômage des jeunes actifs un an après leur sortie de formation reste très élevé, à 16%. Un chiffre qui monte à 23% pour les non-diplômés.

Les Défis des Premiers Emplois

Quand ils décrochent finalement ce sésame, c’est bien souvent un poste peu qualifié et offrant une faible rémunération. Stages, CDD, intérim… les trois quarts des primo-emplois sont des contrats précaires, aux perspectives d’évolution limitées. Côté salaire, le premier bulletin de paie est souvent salé : environ 1 470 euros nets mensuels en moyenne selon le baromètre 2021 de l’APEC, soit presque deux fois moins que les attentes initiales !

Adaptation aux Contraintes du Monde Professionnel

Autre déception : contrairement à leurs aspirations, responsabilités et autonomie se font rares dans les premiers postes obtenus. Cantonnés à des tâches d’exécution subalternes faute d’expérience (saisies de données, standard, etc.), les primo-actifs doivent bien souvent ravaler leur envie d’initiative.

S’ajoutent à cela les contraintes inhérentes à toute vie en entreprise : horaires, codes vestimentaires ou relationnels, rapports hiérarchiques… Autant d’aspects qui rebutent des jeunes avides d’épanouissement personnel et de liberté. Dès lors, certains choisissent même de bifurquer vers des carrières freelances, malgré l’insécurité financière que cela implique.

III- Évolution des Mentalités

Si les jeunes diplômés démarrent leur vie active avec des attentes particulièrement élevées, leurs envies et aspirations évoluent and fil du temps et de leurs expériences professionnelles.

Dans les premiers mois suivant l’obtention de leur diplôme, les primo-accédants au marché du travail font preuve d’un certain idéalisme. Imaginant aisément faire carrière dans des domaines qui les passionnent, avec une rémunération confortable et une grande autonomie, le choc avec la réalité est rude. 

Cependant, au fil des expériences en entreprise, les mentalités changent. Confrontées au marché de l’emploi et à ses difficultés, les ambitions de carrière s’ajustent peu à peu en fonction des opportunités offertes. Avec le temps, les jeunes actifs revoient ainsi leurs prétentions à la baisse et adoptent des positions plus pragmatiques.

D’autres facteurs entrent également en compte, orientant les trajectoires dans un sens ou dans l’autre. Les rencontres, les conseils d’autres professionnels ou les opportunités fortuites amènent bien souvent les jeunes diplômés à explorer des voies auxquelles ils n’avaient pas pensé. En parallèle, l’évolution des aspirations personnelles (vie de famille, recherche de stabilité, etc.) modifie aussi la vision des carrières idéales.

Les attentes irréalistes laissent place à plus de réalisme et de pragmatisme. On observe ainsi un véritable parcours « initiatique » chez bon nombre de jeunes actifs au cours des premières années de vie active. Conscients des réalités et des difficultés de leur secteur, ils calibrent leurs ambitions sur le marché de l’emploi tout en cherchant la voie qui leur permettra de mener la carrière la plus épanouissante possible.

De tels ajustements peuvent même se révéler être une force pour aborder le monde professionnel. Combinant motivation, adaptabilité et ambition réaliste, les jeunes issus de ces parcours chaotiques savent mieux que quiconque naviguer dans l’incertitude, et rebondir face aux aléas. Autant de compétences recherchées aujourd’hui par les recruteurs !

IV- Comment réduire l’écart entre les attentes et la réalité

Face au décalage persistant entre les attentes des primo-actifs et la réalité du marché de l’emploi, il apparait nécessaire d’agir pour faciliter leur insertion professionnelle. Via diverses initiatives, il s’agit de mieux préparer les jeunes diplômés aux difficultés qui les attendent.

Dès l’université, un meilleur conseil sur les débouchés réels des filières suivies permettrait d’orienter les étudiants vers des cursus en adéquation avec leurs aspirations. En parallèle, des modules de préparation à l’insertion visant à déconstruire certains fantasmes sur le monde l’entreprise seraient pertinents.

Autre piste : rendre obligatoire l’effectuation d’un stage en fin de cursus, afin de confronter les futurs diplômés à la réalité du terrain. Une étude BVA de 2021 indique que les stages permettent de trouver un emploi plus facilement : 6 mois après leur stage, 51% des moins de 30 ans ont ainsi décroché un CDD ou CDI.

Une fois sur le marché du travail, le soutien aux jeunes doit se poursuivre, pour les accompagner dans leurs premières expériences professionnelles. Qu’il s’agisse de formation, de conseil RH ou d’aide au financement de projets, tout dispositif destiné à sécuriser les parcours est le bienvenu. Le Plan 1jeune1solution lancé en 2020 va dans ce sens.

Par ailleurs, renforcer le dialogue entre universités et responsables RH apparaît indispensable. Il s’agit de mieux aligner les formations dispensées sur les compétences réellement recherchées par les recruteurs, comblant ainsi l’écart persistante entre l’offre et la demande de compétences. 

Enfin, une part d’adaptation doit également être faite par les jeunes eux-mêmes, qui doivent comprendre que le marché de l’emploi est aujourd’hui marqué par une forte compétition. Accepter des postes moins prestigieux à leurs débuts, montrer la motivation nécessaire pour évoluer, ou encore développer leur réseau, sont autant de clés pour réussir, même si le chemin vers la carrière rêvée est plus long que prévu.

V- Flexibilité et Adaptabilité dans le Monde du Travail Post-pandémique

La crise du COVID-19 est venue chambouler les codes du monde professionnel. Entre généralisation du télétravail et transformations des méthodes de travail, la capacité d’adaptation est devenue plus que jamais une compétence recherchée sur le marché de l’emploi postpandémique.

Les jeunes actifs récemment diplômés ont dû faire preuve d’agilité pour répondre à ce nouveau paradigme. Pour eux, la demande de flexibilité s’est accrue à double titre : flexibilité des horaires et des modalités de travail d’une part, nécessitant autogestion et autodiscipline accrues ; flexibilité des compétences d’autre part, exigeant d’acquérir de nouvelles capacités en lien avec le digital et le travail à distance.

La faculté à interagir efficacement à travers les outils collaboratifs s’est ainsi imposée comme indispensable pour les jeunes travailleurs, tout comme l’aptitude à tirer parti des opportunités offertes par le télétravail en termes d’organisation personnelle. Une grande maturité et autonomie sont requises pour maintenir sa productivité hors du cadre traditionnel du bureau.

Face à l’agilité démontrée par cette nouvelle génération de travailleurs, les entreprises ont tout intérêt à capitaliser sur leur appétence pour les nouveaux modes de travail. Plus souples sur la gestion des horaires et des congés, plus innovantes sur les solutions technologiques, les sociétés les plus attractives auprès des jeunes talents sont celles ayant pleinement intégré les aspirations de flexibilité.

Optimisant les processus de collaboration à distance et formant les managers au télétravail, les organisations montrant la voie donnent à la fois plus de liberté et plus de responsabilités à leurs équipes. Un équilibre qui séduit les jeunes actifs en quête d’épanouissement professionnel, faisant de l’adaptabilité des équipes l’atout RH de demain.

Que retenir de cet article ?

L’écart reste profond entre les attentes élevées des jeunes diplômés concernant leur future carrière, et la réalité bien plus nuancée du marché de l’emploi auquel ils sont confrontés.

Rêvant de réaliser leur passion dans un poste épanouissant et confortablement rémunéré, de nombreux primo-actifs font face à une difficile désillusion : difficulté à trouver un premier emploi, jobs précaires et peu qualifiés, salaires décevants, etc. Le chemin vers le job idéal est semé d’obstacles que les jeunes n’anticipent pas.

Pourtant, les mentalités évoluent avec le temps et l’expérience. Conscients des réalités de leur secteur, les jeunes revoient leurs ambitions à la baisse et font preuve de plus de pragmatisme pour s’insérer. La crise du Covid est même venue renforcer leur agilité et leur adaptabilité, compétences désormais indispensables.

Pour résorber le décalage entre attentes et réalité, un meilleur dialogue entre acteurs de l’enseignement, employeurs et pouvoirs publics apparaît nécessaire. Mieux informer les jeunes sur les débouchés, les accompagner dans leurs premiers pas professionnels, les aider à développer les compétences recherchées par les recruteurs : autant de pistes à explorer. 

Flexibilité, ambition réaliste et résilience sont les maîtres-mots de cette nouvelle génération, qui, malgré les obstacles, saura se frayer son propre chemin vers un épanouissement professionnel. Les jeunes talents constituent le vivier de l’économie de demain : à condition de leur donner toutes les cartes en main pour appréhender sereinement leur insertion sur le marché du travail.

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